L'objectif premier de ce travail était de se poser la question de la présence/absence de certains mobiliers liés à la production rurale selon les grandes catégories de contextes (urbains, ruraux, etc.), à l'origine en vue de documenter une communication présentée au Colloque Ager de Toulouse en 2007 (FERDIÈRE 2009).
Il était en effet apparu que l'examen des contextes de découverte des catégories d'objets inventoriés ici, liés à l'économie rurale, pouvait être opérant quant à la signification, à la portée heuristique de ces éléments : types de sites (urbains, ruraux, etc.), de contexte précis et d'US, chronologie…
Ceci, par ailleurs, était susceptible de prendre une signification heuristique plus importante qu'à l'échelle d'un site ou même d'un territoire, grâce à la mise en œuvre à la vaste échelle de l'ensemble des Gaules (et Germanies, Provinces Alpines) d'une part, et ce sur un très grand nombre d'éléments et de contextes, du point de vue statistique.
Toutefois, les pièces hors contexte, où de contexte inconnu, ont aussi été intégrées dans cet Inventaire, dans la mesure où on les a rencontrées au cours des dépouillements, ceci pour leur valeur documentaire propre, utile à d'autres recherches à venir.
Il est vrai en effet que ce travail – et c'est une des raisons qui ont poussé à le publier en ligne, pourra être par la suite utilisé à des fins d'établissement de typologies pour telle ou telle catégorie d'objet, la bibliographie étant ici indiquée et recensée.
Le présent corpus a été à l'origine engagé pour le seul outillage agricole, auquel ont été assez rapidement ajoutés les éléments de charronnerie ainsi que de harnachements et ferrure du cheval : des lacunes documentaires d'inventaires plus importantes doivent donc toucher ces derniers. Et l'on pourra objecter que le harnachement et surtout la ferrure du cheval, quand il n'est pas utilisé comme animal de trait ou de bât (plus souvent mulets alors) et est donc réservé à la monte, n'a pas de rapport avec les activités agro-pastorales : outre un souci peut-être excessif d'exhaustivité pour ces éléments, c'est alors plutôt comme preuves de la présence d'équidés sur les sites qu'ils ont été retenus, chevaux et mules étant en effet souvent mal attestés dans les ensembles fauniques étudiés en archéozoologie.
Afin de donner tout son intérêt et son développement à cette ambition, la définition d'un cadre de temps et d'espace le plus large – tout en restant cohérent et homogène – restait essentiel.
C'est pourquoi on a choisi de traiter le sujet sur une assez longue durée, de la fin de La Tène (2e s. av. J.-C.) au tout début du Haut Moyen Âge (6e s. ap. J.-C., inclus). Les spécialistes de la période gauloise d'une part, mérovingienne de l'autre, y trouveront cependant sans doute plus de lacune que pour la période dite romaine (env. 50 av. n. è. - env. 475 de n. è.).
Quant aux limites spatiales, on a choisi l'ensemble du territoire des provinces gauloises et germaniques, en y ajoutant (car notamment, en partie au moins, en France), les Provinces Alpines.
Il concerne en premier lieu l'ensemble de l'outillage agricole lato sensu, qu'il s'agisse d'outils proprement dits ou d'instruments (ou parties d'instruments), pour les araire et les herses, par exemple. L'essentiel est évidemment en fer, matériau en général de bonne conservation, au détriment du bois et autres matériaux végétaux, exceptionnellement conservés (manches…), ou par exemple de l'os.
J'ai pensé en outre y ajouter, quant au propos concernant l'économie rurale, d'une part tous les éléments reconnaissables liés aux véhicules de transport (charronnerie), de l'autre – et dans ce cas en débordant certes de la thématique strictement agro-pastoral – ceux liés à l'équipement des chevaux et équidés pour la monte (harnachement, ferrage, éperons, étriers...), il est vrai en grande partie non associés aux travaux des champs, mais du moins à ces animaux en particulier et à leur élevage.
La présence ici de l'ensemble des éléments liés au harnachement, au ferrage, à la monte des chevaux – bien que sans doute moins systématiquement inventoriée – pourrait donc être jugée hors sujet : on peut cependant considérer, comme je l'ai fait, que ceux-ci permettent en tout cas d'identifier la présence de chevaux et autres équidés sur les sites concernés, ce qui nous ramène par conséquent en définitive au monde rural.
Enfin, les outils deu travail du bois sont aussi pris en compte, mais exclusivement pour le début de la chaîne opératoire (abattage, débittage premier..: haches, cognées, scies...), à l'exclusion donc de l'outillage plus proprement artisanal (charpente, menuiserie...), afin, toujours, de rester au plus près du monde rural.
Il a pour origine première la recension effectuée pour ma thèse (FERDIÈRE 1978 : 324-378) et l'ouvrage de synthèse qui en partie en découle (FERDIÈRE 1988, 2 : 23-162) : elle a depuis été assez régulièrement mise à jour. Ont en outre été systématiquement dépouillés de publications concernant l'outillage (telles que par ex. DUVAUCHELLE 2005a) et l'ensemble des Cartes Archéologiques de la Gaule (dir. M. Provost) au fur et à mesure de leur parrution. Les Rapports de Fouilles, notamment préventives (DFS, RFO), n'ont certes pas été systématiquement consultés pour l'ensemble de la France, mais d'une par au gré de leur accès occasionnel, de l'autre, alors systématiquement, pour les Régions Centre, Île-de-France, Picardie et Nord-Pas-de-Calais, du ressort de la Commission Interrégionale de la Recherche Archéologique Centre-Nord, à partir de 2011.
Pour les « dépôts » : voir aussi : BONNARDIN et al. 2009 (= XXIXe Renc. Internat. d'Arch. et d'Hist. d'Antibes, oct. 2008) ; BATAILLE 2006 ; BATAILLE 2007 ; BATAILLE 2009 ; TESTARD 2013 ; + autres…, dont dépôts monétaires : AUBIN 2007 ; à compléter] ; dépôts votifs (CAUMONT 2011) ;
Pour les dépôts métalliques avec outillage agricole, dont socs d'araire, en Dacie et autres : biblio + CRIŞAN et LĂZĂRSCU 2010.
Dépôts métalliques Europe centrale : KURZ 1995 ; dans lacs et cours d'eau : HUTH 2012 ; WIRTH 2012 ; FISCHER 2012 ; d'armes dans les eaux : TESTARD 2013.
Dépôts d'outillage : en Espagne romaine : FILLOY NIEVA 2000 ; en Grande-Bretagne : MANNING 1998.
Dépôts de vaisselle en bronze en Gaule romaine : LUNDOCK 2015.
Quant aux sites ruraux (établissements agro-pastoraux de tous types : fermes et villae, de La Tène finale au début du Haut Moyen Âge), c'était évidemment l'un des objectifs premiers de ce corpus que de tenter d'y reconnaître tel ou tel type d'activité par la présence d'outillage agricole et éléments associés ici. Mais force est de constater que, tout d'abord, les objets de ces catégories sont souvent rares sur ces sites, qui d'ailleurs sont globalement pauvres en mobilier, le recyclage et la récupération des métaux s'ajoutant ici pour la rareté de ces éléments. En outre, surtout, quand ils y sont présents, ces éléments ne sont qu'exceptionnellement en contexte primaire (d'utilisation), ce qui permettrait alors de documenter directement la fonction des structures et des espaces ; et ce d'autant que les couches et niveaux (sols) d'occupation/fonctionnement de ces espaces ont la plupart du temps disparus sous l'effet de l'érosion des labours, du moins dans les vastes régions de plaines et plateaux qui constituent une grande part des Gaules. Ces catégories d'objets sont le plus souvent soit en dépôt (en vue recyclage ?), soit surtout en rejets secondaires, en dépotoirs et remblais, dans des fosses, mares, etc., voire, à la rigueur, en lieu de rangement (resserre) – et non de fonctionnement –, par exemple dans des caves ou granges.
Pour les données quantitatives d'outillage en fer sur les sites ruraux : cf. OUZOULIAS 2006, pour le Nord de l'Île-de-France (abondant) ; pour secteur de Melun-Sénart, peu abondant : cf. MARÉCHAL 2011.
On constatera par ailleurs qu'un nombre significatif d'objets de notre corpus ont été découverts en contexte d'agglomérations secondaires, voire de villes capitales de cité. A ce constat il y a tout d'abord une explication de l'ordre de l'effet de source : de manière globale, les contextes archéologiques urbains, stratifiés fournissent bien plus de mobiliers de toutes sortes que les contextes ruraux. Il ne faudrait donc pas en tirer des conclusions hâtives – comme on le lit parfois – quant à l'existence d'activités agro-pastorales dans ces agglomérations et villes. Un examen plus attentif permet, pour le moins, de relativiser une telle conclusion : la plupart des objets concernés trouvés dans ces contextes « urbains », pour ce qui est en tout cas des instruments et outils agricoles stricto sensu, peuvent correspondre non à une véritable agriculture mais le cas échéant à des vergers, treilles, voire jardins d'agrément (tels que houes, binettes, râteaux…). Les éléments correspondant à des pièces plus volumineuses, en usage dans l'agriculture de plein champ, tels qu'araires, herses…, y sont particulièrement rares, globalement absents. Quant aux éléments de harnachement ou de charronnerie, correspondant au transport des hommes et des denrées, leur présence est en revanche tout aussi normale en ville qu'à la campagne…
Pour la présence et la signification de l'outillage (dt agricole) dans les sépultures : voir BRIVES 2008, t. 1 : 144 sqq. ; HANUT 2014 : 44.
Le mobilier métallique (dont outillage) des sites d'Auvergne : voir DUCREUX 2013.
Pour l'outillage agricole d'Espagne romaine : MAYORAL 1999 ; CASAS et NOLLA 2011 ; de Grande-Bretagne romaine : REES 1976 ; 2011 ; SCOTT 1998 ; de Dacie : ILIES 1999 ; []+ autres…] ; outillage en fer de la villa de Boscoreale (Italie) : HARVEY 2010.
Pour l'outillage agricole à La Tène Finale, Âge du Fer : cf. NILLESSE 2007b ; DAVID 2010 ; DAVID 2011.
Pour l'outillage et romanisation : TISSERAND 2011 (sur le travail du bois et non l'agriculture).
Pour les noms des outils en latin : voir DAREMBERG, SAGLIO et POTTIER 1877/1919.
Les entraves n'ont pas été prises en compte, car n'entrant pas clairement dans les catégories concernées ici : il esr en effet, en général, impossible de savoir si elles sont destinées à des hommes ou à des bêtes : sur ces entraves, voir la thèse OUZOULIAS 2006 ; et THOMPSON 1993, et autres.